Certification périodique des médecins : un chantier toujours en cours

Plus d’un an après son entrée en vigueur officielle en janvier 2023, la certification périodique des médecins, qu’ils exercent en libéral ou à l’hôpital, peine encore à se concrétiser pleinement. Ce dispositif, censé garantir le maintien des compétences des professionnels de santé et la qualité des soins, est freiné par l’absence d’un cadre réglementaire totalement opérationnel.

Lors de la dernière journée organisée par la Fédération des spécialités médicales (FSM), regroupant les conseils nationaux professionnels (CNP), Marie Daudé, directrice générale de l’offre de soins (DGOS), a reconnu que le projet avait connu plusieurs blocages, notamment en raison du contexte politique. Un dernier décret publié en mars 2024 a tout de même permis de franchir une étape importante en définissant les professionnels concernés et les types d’actions reconnues. Mais pour que le système soit pleinement effectif, plusieurs textes réglementaires restent attendus : ceux encadrant les contrôles par les Ordres professionnels, les sanctions potentielles, ou encore la gestion des données personnelles via le futur téléservice « Ma Certif pro santé ».

Ce téléservice, justement, est un autre point sensible du dispositif. Encore au stade de prototype, il est développé par l’Agence du numérique en santé (ANS) et doit permettre à chaque professionnel de suivre son parcours de certification. Mais des problèmes techniques subsistent, notamment pour connecter cette plateforme avec les autres outils existants, comme le compte du développement professionnel continu (DPC). Pour Jérôme Wojciekowski, chargé du projet à l’ANS, il est crucial de simplifier l’écosystème numérique pour éviter de disperser les informations entre plusieurs comptes.

Encore des incertitudes sur la certification periodique

Des référentiels encore trop rigides

Autre point d’attention : la rigidité du système actuel. Chaque médecin est automatiquement rattaché au référentiel élaboré par le CNP de sa spécialité d’origine, sans tenir compte des évolutions de son exercice. Une situation problématique pour ceux qui ont diversifié leur pratique, comme certains généralistes aujourd’hui spécialisés dans les urgences. Pour exercer en dehors de son référentiel initial, il faut une autorisation préalable de l’Ordre. Un manque de souplesse dénoncé par plusieurs membres du Conseil national de la certification périodique (CNCP), dont la présidente de sa commission médecins, la Dr Caroline Di Lorenzo-Kas.

Par ailleurs, la certification reste largement méconnue des jeunes médecins. Killian L’helgouarc’h, président de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni), estime qu’il est urgent de mieux informer les futurs praticiens dès leurs études pour éviter que le dispositif ne reste lettre morte.

Un socle défini, mais des zones d’ombre

Du côté des spécialités, les choses avancent plus concrètement. Grâce à l’impulsion de la FSM et du Collège de médecine générale, la majorité des CNP ont déjà défini les référentiels de certification. Ceux-ci précisent les actions reconnues dans les quatre grands domaines imposés : savoirs médicaux, pratiques professionnelles, relation patient, et santé du praticien lui-même. Congrès, diplômes universitaires, protocoles, ou encore missions de maître de stage font partie des activités validantes.

Chaque médecin devra ainsi justifier d’au moins huit actions sur une période de six ans, soit deux par grand domaine. Mais la question de l’interdisciplinarité reste à affiner, notamment pour les domaines transversaux comme la relation soignant-soigné ou le bien-être des professionnels.

En attendant que le cadre soit totalement défini et que les outils numériques soient fonctionnels, les médecins sont invités à conserver les preuves de leurs actions. Une mesure transitoire dans un climat encore flou, où le bon sens prime : mieux vaut garder une trace de tout.